J'avais pourtant bien commencé ma journée : soleil douillet d'un début de mois de mai, 20° à l'ombre de mon parasol à la terrasse de mon bar plage préféré sur la baie des anges avec mon pain au chocolat, mon café allongé et ma vapote préférée. Et coup de fil pré-matinal de mon service médical du travail préféré (un service autonome pour ne rien vous avouer), mon IST me dit qu'une certaine "K" aurait fait un malaise dans la salle d'attente du service de santé au travail : crise H en bonne et due forme : agitation, chute de sa hauteur, tremblements, tétanie, hyperventilation, paresthésies des extrémités; bref la totale et la plus parfaite des crises d'hystérie.
Mais vous me direz : qui est cette Madame "K", bein moi non plus je ne la connais pas ! une jeune salariée de l'entreprise, abonnée à la pharmacie du service de santé au travail selon mes infirmiers : très portée sur le paracétamol, le tricostéril, le coton et toutes les prestations du service dont les prises quotidiennes de tension artérielle; bref ce que l'on appelle "une cliente" du service dans notre jargon de santé en entreprise. Elle s'était présentée une bonne demi heure avant l'horaire d'ouverture pour déposer un dossier "à remplir et à signer par le médecin du travail" auprès de la secrétaire médicale du service en insistant sur le fait que le dossier était très urgent.
En l'absence de tout caractère confidentiel de ce dossier (un formulaire vide), la secrétaire constatait qu'il s'agissait en fait d'un imprimé du type "questionnaire de santé et certificat médical" émanant d'un organisme assureur destiné à être rempli et par l'intéressé dans un premier volet, et par le médecin traitant (ou à défaut le médecin conseil de l'assureur) dans son second volet en vue d'évaluer le risque santé de l'emprunteur avant d'obtenir un crédit. Donc, jusque là aucun rapport avec la médecine du travail par rapport au type de la requête ! Les choses commencèrent à se corser lorsque tout le personnel du service de santé au travail (arrivé à la rescousse) s'y était mis pour la convaincre que ce type de certificat médical devait être rempli par son médecin traitant et non par le médecin du travail et que sa requête n'était donc pas recevable par la médecine du travail !
La salariée explique et à juste titre que le médecin qui était censé le mieux connaître son état de santé était le Médecin du travail, étant en possession d'un dossier médical complet et en bonne et due forme depuis plus de 10 ans déjà avec des visites et des contrôles médicaux annuels et à jour; qu'il n'avait d'ailleurs même pas besoin de la consulter pour juger de sa meilleure forme actuelle et qu'il ne s'agissait que d'une simple formalité administrative sous forme d'une banale signature devant une mention "RAS" que pourrait même apposer l'infirmier du travail.
Devant le refus persistant du personnel du service de santé au travail de garder son dossier, la salariée finit par perdre son sang froid et accusait tout le service y compris le médecin du travail d'avoir reçu des instructions de l'employeur pour refuser ce dossier afin de l'empêcher de bénéficier de son crédit ! que tout ce beau monde manquait d'humanisme et qu'il s'agissait tout simplement de "harcèlement moral" dirigé contre elle; s'en suit "un pétage de plombs" majeur et une entrée magistrale dans un épisode hystérique conduisant à son malaise.
Le malaise est pris en charge à l'infirmerie du service médical, la salariée est consultée par le médecin du travail et reçoit les soins nécessaires sur place, elle est ensuite dirigée (et même accompagnée) vers son médecin traitant pour un suivi thérapeutique éventuel, une déclaration d'accident du travail (survenu au service de santé au travail) est rédigée et toute l'entreprise ne parle plus que de "harcèlement" subi par une salariée au service médical; aussi avons nous droit à la visite des délégués du personnel (qui voudraient convoquer un CHSCT), à la visite du DRH (mandaté par la Direction) et nous espérions ne pas recevoir une visite de courtoisie de l'Inspection Médicale du Travail ou peut être même du Ministre du Travail en personne !
Au final, je ne retiendrais que la petite remarque oh combien significative du DRH (qui réellement me transmettait les meilleurs et plus profonds sentiments du Président de l'entreprise) : "ça aurait été peut être plus simple de signer ce certificat médical, après tout ce n'était qu'une simple formalité sans conséquences" ! Moralité : la Médecine du Travail toujours entre le marteau et l'enclume, se retrouvera toujours toute seule face à la loi du milieu du travail; il faut toujours veiller à faire le moins de vagues possibles quitte à passer outre toute réglementation !