Cas d'école que je vous présente ce jour : la situation la plus complexe pouvant interagir sur un arrêt de travail d'un salarié : des avis médicaux différents émanant des 4 médecins intervenant ou participant d'une façon ou d'une autre à une procédure d'arrêt de travail.
Andrew, 41 ans exerce en qualité de manutentionnaire pour une multinationale spécialisée en outillage agricole. Il est porteur d'une hernie discale très invalidante pour laquelle il bénéficie par son médecin traitant d'un arrêt de travail de 30 jours renouvelé à 3 reprises à cause de douleurs rebelles au traitement médical et qui l'empêchent d'envisager tout effort physique sur la colonne vertébrale.
Son employeur, devant les prolongations répétées de ses arrêts de travail et les perturbations du service magasin et distribution conséquences de ses absences, fait procèder à un contrôle médical; la loi lui permettant de mandater un médecin pour examiner son salarié à domicile et apprécier son état de santé pour exercer une activité salariée. Ce médecin contrôleur constate que Andrew pouvait reprendre une activité professionnelle (mais lui fait savoir qu'il ne pourrait pas reprendre son poste actuel en lui conseillant de rencontrer son médecin du travail) mais que légalement l'arrêt de travail n'était plus justifié ce qui permet à cet employeur de cesser ses participations aux indemnités journalières pour ne lui faire bénéficier que des indemnités journalières de la sécurité sociale (sauf si le médecin conseil en décide autrement en le déclarant apte à une activité salariée).
Il est finalement contrôlé lors de sa dernière prolongation d'arrêt par le médecin conseil de la sécurité sociale qui approuve et justifie son dernier arrêt de travail mais qui l'adresse quand même au médecin du travail de l'entreprise dans le cadre d'une visite médicale de reprise afin d'examiner l'option d'une inaptitude au poste à moyen terme.
Enfin, son médecin traitant et après près de 4 mois d'arrêt de travail (et ayant eu connaissance des différents contrôles médicaux pratiqués) l'autorise à tenter de reprendre son travail sous réserve d'un travail léger sans port de charges lourdes en lui délivrant une lettre d'exemption définitive de travaux pénibles pour son médecin du travail en vue de la visite de reprise du travail.
Andrew rebondit chez le médecin du travail avant l'expiration de son dernier arrêt de travail (ayant dépassé 3 mois d'arrêt de travail, il est en droit de bénéficier d'une visite de pré-reprise à sa propre initiative et sans passer par l'employeur), de toute façon cette visite de pré-reprise avait déjà été initiée par le médecin conseil de l'organisme social. Le médecin du travail qui l'examine n'est pas d'accord pour prononcer une inaptitude médicale au poste dans un premier temps vu le jeune âge du salarié, la rémission actuelle des douleurs et l'absence de toute autre qualification à son actif et tente de négocier avec l'employeur un aménagement de poste temporaire d'une durée de 3 mois sous forme d'une aptitude avec restriction du port de charges de plus de 15 kgs avant la date effective de reprise du travail prévue dans une semaine.
D'un point de vue légal, seul le médecin du travail est en droit de décider de l'aptitude du salarié Andrew à son poste de manutentionnaire; les avis du médecin traitant, du médecin conseil de la sécurité sociale ou du médecin contrôleur de l'employeur ne s'imposent pas à l'employeur qui ne doit tenir compte que de l'avis du médecin du travail.
Finalement, l'employeur accepte la proposition de mesures individuelles d'aménagement et d'adaptation du poste de travail mais promet (officieusement) au médecin du travail de rechercher en parallèle une autre option de mutation du salarié à un poste de sécurité (gardien) sous forme d'un poste sédentaire de vidéo-surveillance. Au bout de 3 mois, le médecin du travail prononce par écrit (et après échanges avec le salarié et l'employeur) l'inaptitude au poste de manutentionnaire avec proposition de reclassement et en moins d'un mois Andrew est muté au poste de sécurité promis. Fin heureuse et exceptionnelle de la petite histoire !
Hormis le coté "positif" de cette fin devenue rare et exceptionnelle de ce type de cas sociaux en entreprise (mais qui existent malgré tout) et en particulier au sein de grandes entreprise (type multinationales) et ayant leurs propres services médicaux autonomes généralement (et je parle en connaissance de cause); le but de ce post était surtout de mettre l'accent sur les différentes fonctions assignées par la loi aux 4 catégories de médecins pouvant être concernés en entreprise et pouvant interagir avec tout salarié en arrêt de travail et dont le rôle demeure strictement différent de l'un à l'autre. Pour conclure, le dernier mot d'un point de vue de l'aptitude au poste considéré, reviendra toujours au médecin du travail et le salarié ne devra jamais hésiter à le rencontrer devant toute situation complexe ou de conflit avec l'employeur touchant à sa santé ou à ses conditions de travail.