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" La Gazette du Médecin du Travail "
23 août 2020

La Covid-19 en entreprise : Prévenir et surtout anticiper doivent constituer la priorité absolue de tout employeur ou décideur

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Le Médecin du Travail lorsqu'il existe au sein d'une entreprise en Tunisie est membre de façon systématique de son CSST (Comité de Santé & Sécurité au Travail en Tunisie) mais aussi (et théoriquement) de toute cellule de crise ou de veille "covid19" au sein de cette entreprise, si elle a été mise en place à l'occasion de cette pandémie à coronavirus. Ne vous inquiétez pas, tous les membres de ces différentes cellules de crise d'une entreprise à une autre se sont logés à la même enseigne et parlent de ce fait le même langage : tous désirent mettre en place un plan de prévention et activer leur PCA (Plan de Continuité des Activités) et ce dans l'absolu.

Sur le terrain, la réalité est malheureusement toute autre et toutes les préoccupations de ces derniers portent en particulier sur l'acquisition de gadgets complétement inutiles aux yeux de préventeurs comme nous, telles que cabines de désinfection, caméras thermiques ou pédiluves à l'entrée du personnel (notamment les grandes entreprises ou du moins les plus nanties parmi elles). Porter un masque par contre leur parait tout à fait illusoire et il pourrait vous arriver d'assister à des réunions de cellules de veille covid19 regroupant au moins une dizaine de personnes en intra ou inter-entreprises où seul le médecin du travail porterait son masque, bien sûr aucune distanciation ne serait respectée sauf sur le papier et au niveau des PV de réunions; et le gel hydro-alcoolique (s'il existe) ne ferait qu'égayer la salle de réunion. A la question de la raison du non port du masque par les membres de la cellule de veille, la réponse serait l'inconfort et l'impertinence de l'équipement (je pense que la vraie raison serait que ces personnes  soient convaicues que le masque protégeait finalement les autres et non pas la personne qui le portait).

A mon humble avis et celà dit en passant : Il vaut mieux ne pas porter de masque et respecter les gestes barrières (distanciation et pas de contact physique, lavage de mains ou utilisation de gel hydro-alcooliques, ne pas se toucher le visage) plutôt que de mal manipuler ou mal porter un masque ce qui risquerait de transformer le masque en facteur aggravant du risque de contamination au coronavirus. Il faudrait également bannir l'idée que le danger ne pouvait venir que d'une personne extérieure à l'entreprise ou à la famille (uniquement des gens que l'on ne connait pas) comme si les salariés de l'entreprise étaient protégés par une quelconque force divine (NB : un quart des clusters en France se trouvent en entreprise) !

Cependant et dans la plupart des entreprises, le constat était que toutes les recommandations transmises aux salariés imposaient le port obligatoire du masque barrière (même si des masques en quantité suffisante avaient été mis à la disposition du personnel du moins pendant la période épidémique et de confinement ciblé) mais que personne ne le portait à l'intérieur de l'entreprise, personne ne respectait la distanciation physique recommandée (ascenseurs bondés, files de personnes toujours aussi serrées, réunions non indispensables); seul le gel hydro-alcoolique constituait une mesure barrière assez prisée et était réclamé par les salariés (mais était-il utilisé à bon escient). Vous auriez l'impression pendant ces réunions de cellules de veille que les membres devaient "faire leur devoir pour n'avoir rien à se reprocher", "écrire plein de recommandations sans aucun suivi des mesures", "mettre en place le plus de gadgets possibles quitte à ce qu'ils ne servent à rien mais toujours mieux que l'entreprise concurrente de la place", "de faire attention au budget", mais et surtout de "négocier avec le médecin du travail" dans le cadre du PCA un plus grand taux de présenteisme du personnel sur les lieux du travail en évitant ou en minimisant au maximum le télétravail.

Mon observation ainsi que celle de la plupart de mes confrères était donc qu'à aucun moment, le courant ne pouvait assez bien passer entre un médecin du travail et les autres membres de la cellule de veille qu'ils soient préventeurs (Sécurité, Hygiène...), représentants de l'employeur (RH, Social, Risques Managers...) ou délégués du personnel (Syndicats, Comités d'entreprise...) : Les raisons budgétaires étaient invoquées à chaque fois où l'acquisition de quantités suffisantes en masques, gel hydro-alcoolique, désinfectants ou mesures barrière de terrain étaient proposées par le médecin du travail ce qui mettait l'entreprise à chaque nouvelle période en rupture de stock, en contre partie de propositions ou d'exigences ubuesques de ces mêmes membres portant sur des commandes de thermométres sans contact ou de caméras thermiques, cabines ou tunnels de désinfection sans réelle nécessité et soit-disant questionnaires de santé justes bons à accroitre les déchets papiers et la consommation d'énergie.

Prévenir ou anticiper les actions médico-sociales sur du moyen terme et parfois même du court terme relève malheureusement du parcours du combattant au sein d'une grande frange du tissu économique en Tunisie; même à un niveau national il a été extrémement difficile d'anticiper des stocks suffisants en matériel de protection (masques en tissu ou ceux à usage unique, gel et solutions) ou de dépistage (tests PCR et tests rapides). C'est une question de culture de prévention mise à l'épreuve à l'occasion de cette pandémie à coronavirus. Je demeure convaicu que de telles expériences avec les conséquences sanitaires parfois malheureuses qui en découlent actuellement, contribueront à faire réfléchir les décideurs à un nouveau système de management de la santé : nouvelles stratégies nationales, politiques de santé innovantes et plans de santé comprenant un ensemble de dispositions  en vue de l'exécution de nouveaux projets et  programmes d'actions au moins sur les cinq années à venir.

Fin juillet en France, dans une note diffusée aux employeurs, le gouvernement recommandait aux entreprises de prévoir 10 semaines de stocks de masques pour "pouvoir faire face à une résurgence potentielle de l'épidémie", la situation en matière d'approvisionnement s'étant améliorée; j'imagine trés mal la tête que ferait "mon ami le DRH", un coordinateur de cellule de veille ou l'employeur lui même si je lui posais une telle proposition sur la table au sein d'une grande entreprise en Tunisie ou même d'une PME (encore faudrait-il que l'approvisionnement en question ait été assuré sur un plan national !).

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  • Expert International Santé Sécurité au Travail Ergonomie et Médecin du Travail, je partage la Législation, mon expérience au quotidien et interviens en Conseil auprès des entreprises, cabinets d'expertise, organisations internationales, gouvernements et UE
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