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" La Gazette du Médecin du Travail "
20 mars 2024

Opérateurs de cardiologie interventionnelle : Radioprotection, Prévention collective et individuelle, Surveillance santé au travail

 

 

C’est une courte visite en salle de cathétérisme cardiaque d’un grand hôpital français qui m’a inspiré cet article et en particulier mon entretien avec le médecin cardiologue opérant à cette occasion pour une coronarographie ce jour là. Opérateur chevronné et Professeur en médecine dans sa spécialité, il admet être trop exposé aux rayonnements et ne pas être assez protégé selon lui malgré qu’à mon premier coup d’œil, la salle de cathétérisme me semblait bien aux normes du point de vue de la protection collective et individuelle prévue par la réglementation.

En effet on ne le dit pas assez mais l’exposition professionnelle aux rayons X la plus élevée mesurée en milieu hospitalier annuellement concerne les actes effectués par des opérateurs de cardiologie interventionnelle en salle de cathétérisme.

Les dangers de cette irradiation sont de deux types :

* des risques d’apparition de cancers par anomalies génétiques (notamment tumeurs cérébrales généralement situées à gauche donc du coté de la source de rayonnement par rapport à l’opérateur) et de maladies de la thyroïde par des effets stochastiques. Les effets stochastiques correspondent à une augmentation de la fréquence d’apparition d’une pathologie avec l’augmentation de la dose reçue, sans effet seuil, ni dose minimale connue en deçà de laquelle le risque puisse être considéré comme nul. Aussi du fait de ces effets stochastiques, il n’existe donc pas de seuil inférieur en deçà duquel le risque auquel l’opérateur est soumis soit strictement nul. 

* des risques de lésions cutanées radio-induites ou de cataracte par des effets déterministes sous forme d’une réaction tissulaire immédiate et prévisible.. Les effets déterministes sont obligatoires avec un effet seuil et des conséquences cliniques dont la gravité est proportionnelle à la dose reçue

Les autres risques sont l’apparition d’altérations des organes reproducteurs et une prévalence plus élevée d’hypertension et d’hypercholestérolémie

Rappel des principales règles de Prévention :

Prévention Collective :

* La voie d’abord : Notons d’abord que la voie radiale d’insertion du cathéter au niveau du patient fait l’objet d’une surexposition de l’opérateur aux rayonnements (dose reçue 2 fois plus élevée par rapport à la voie fémorale) du fait de la position de ce dernier par rapport au patient durant la procédure (plus grande proximité et temps de fluoroscopie plus longs). Cette voie radiale est cependant actuellement privilégiée pour ses moindres complications vasculaires au niveau du site de ponction et sa durée d’hospitalisation plus courte vue la mobilisation rapide du patient après l’acte de cathétérisme.

* Distance opérateur – patient et opérateur - tube à rayons X : L’exposition au rayonnement est inversement proportionnelle au carré de la distance à partir de la source de rayons X ou du corps du patient (exposé au faisceau primaire et principale source de rayonnement dans la salle). Il y a donc lieu d’augmenter cette distance en adaptant la position de l’opérateur.

Le tube doit être obligatoirement positionné sous la table d’examen du patient. Ce qui permet de diminuer l’exposition de l’opérateur au rayonnement primaire et au rayonnement de fuite de gaine tout en optimisant le plus de distance possible entre le tube et le patient.

* Durée du temps d’émission du rayonnement : la dose reçue par l’opérateur est proportionnelle à la dose administrée au patient, ainsi réduire la dose du patient permet aussi de réduire la dose de l’opérateur, pour ce faire il est donc recommandé de réduire le temps d’émission des rayons X par différentes techniques bien maitrisées par les opérateurs et que nous ne détaillerons pas ici vue leur complexité (séquences courtes, imagerie et cadences appropriées, collimation et filtres adéquats, incidences particulières et épaisseur du patient…).

* La protection plombée au niveau de la salle : différents types de protection

- les paravents plombés suspendus haut et bas sont obligatoires : ils comprennent un écran plombé supérieur, une bavette plombée au niveau du corps du patient et une bavette inférieure couvrant le tube.

- les paravents mobiles : 2m de hauteur pour 80 cm de large avec une épaisseur de 2 mm d’équivalent plomb monté sur châssis inox et placé entre le patient et l’opérateur durant l’intervention, ils sont stabilisés par un roulement à billes avec une fenêtre en plomb transparente d’une épaisseur de 2 mm équivalent plomb permettant une vision permanente sur le patient et un contrôle des mouvements de l’arceau lors de l’intervention. Ces paravents mobiles peuvent être utilisés en supplément et ont bien montré leur nette efficacité par des études comparatives de dosimétrie dans des laboratoires de cardiologie interventionnelle.

Prévention Individuelle :

L’utilisation de tenues de protection adéquates est obligatoire et comporte :

- une tunique radio-atténuatrice, couvrante jusqu’aux genoux, composée d’un matériau blindé (plomb ou métaux lourds permettant d’avoir un équivalent 0,5 mm de plomb devant et 0,25 derrière)

- un cache-thyroïde offrant un équivalent de blindage de 0,5 mm de plomb.

L’usage de lunettes (0,75 mm équivalent de plomb) ou d’une visière lunettes (0,15 mm équivalent de plomb) est fortement recommandé. 

La protection des mains avec des gants plombés est souhaitable, notamment en cas d’abord par la voie radiale ou lors d’angioplasties vasculaires.

Surveillance :

* La surveillance dosimétrique est obligatoire : Conformément à la réglementation, une surveillance dosimétrique individuelle appropriée doit être mise en œuvre lorsqu’un travailleur est classé au sens de l’article R. 4451-57. La surveillance permet de mesurer, grâce au dosimètre personnel, la quantité de rayonnement ionisant reçue par une personne sur son lieu de travail. L’objectif est de s’assurer que la dose reçue par les travailleurs ne dépasse pas les valeurs limites d’exposition.  Les salariés sont classés en catégorie A ou B en fonction des résultats de l’évaluation individuelle de l'exposition aux rayonnements ionisants réalisée pour chaque salarié susceptible d’être exposés aux rayonnements ionisants.

  • Les travailleurs en catégorie A, sont susceptibles de recevoir sur 12 mois consécutifs une dose efficace supérieure à 6 mSv et/ou une dose équivalente supérieure à 15 mSv pour le cristallin et/ou une dose équivalente supérieure à 150 mSv pour la peau et/ou les extrémités. Les limites annuelles d’exposition étant de : 20mSv corps entier ; peau ou extrémités respectivement 500mSv ; cristallin 150mSv.
  • Les travailleurs en catégorie B, sont susceptibles de recevoir sur 12 mois consécutifs  une dose efficace supérieure à 1 mSv et/ou une dose équivalente supérieure à 15 mSv pour le cristallin et/ou à 50 mSv pour la peau et/ou les extrémités. Les limites annuelles d’exposition étant de : 6mSv corps entier ; peau ou extrémités respectivement 150mSv ; cristallin 15mSv.
  • Les travailleurs non classés, qui bien qu’exposés, ne sont pas susceptibles de recevoir plus d’1mSv par an et/ou une dose équivalente supérieure à 15 mSv pour le cristallin et/ou à 50 mSv pour la peau et/ou les extrémités.

Le personnel travaillant  en salle de cathétérisme cardiaque (infirmières, manipulateurs radio) est  classé dans la catégorie B, alors que les opérateurs sont classés dans la catégorie A. 

Dès lors qu'il est classé en catégorie A ou B, le travailleur bénéficie d'une surveillance dosimétrique individuelle (SDI) et d'un suivi individuel renforcé de son état de santé dans les conditions prévues aux articles R. 4624-22 à R. 4624-28.

La surveillance de l’exposition externe des travailleurs classés se fait à l’aide de dosimètres à lecture différée (passifs). Les dosimètres passifs corps entier comptabilisent de façon périodique (mensuelle pour les catégories A et trimestrielle pour les catégories B) la dose effective reçue par un opérateur au cours de son activité professionnelle. Ils se portent à la poitrine sous l’équipement de protection (à la ceinture en cas d’impossibilité).

Les autres dosimètres opérationnels ou actifs ont surtout un intérêt instantané car ils permettent d’alerter par un signal sonore si un débit de dose instantané est trop important et d’avoir une estimation « en direct » de la dose reçue au quotidien ou dans les jours précédents. Les résultats du dosimètre opérationnel n’entrent pas dans le cadre de la surveillance dosimétrique individuelle (SDI).

* Surveillance Santé au Travail : La surveillance médicale renforcée de la médecine du travail est obligatoire pour les  opérateurs : Annuelle pour les travailleurs de catégorie A ; déterminée par le médecin du travail pour ceux de catégorie B (mais toujours inférieure à 4 ans).

En effet, tout travailleur affecté à un poste présentant des risques particuliers, tel que défini à l'article R. 4624-23 du code du travail, pour sa santé ou sa sécurité ou pour celles de ses collègues ou des tiers évoluant dans l'environnement immédiat de travail bénéficie d'un suivi individuel renforcé de son état de santé. Les rayonnements ionisants en font bien sûr partie.

Pour rappel, l’article R. 4454-1 du code du Travail stipule : « Un travailleur ne peut être affecté à des travaux l’exposant à des rayonnements ionisants qu’après avoir fait l’objet d’un examen médical par le médecin du travail et sous réserve que la fiche médicale d’aptitude établie par ce dernier atteste qu’il ne présente pas de contre-indication médicale à ces travaux. »

Enfin, l’article R.4455-10 du code du travail énonce : «Une carte individuelle de suivi médical est remise par le médecin du travail à tout travailleur de catégorie A ou B.
Les données contenues dans cette carte sont transmises à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire ».

Outre la surveillance de l’exposition externe par dosimétrie, une surveillance d’exposition interne peut être prescrite par le médecin du travail : anthroporadiométrie et analyse radio-toxicologique (mesure de la radioactivité éliminée dans les urines et les selles).

 

Réglementation Générale :

La réglementation pour la protection des travailleurs contre les risques liés aux rayonnements ionisants résulte, notamment, de la transposition de la directive 2013/59/Euratom du 5 décembre 2013, au sein des articles L. 4451-1 et suivants et R. 4451-1 et suivants du Code du travail.

Actuellement, Trois décrets transposent la directive Euratom :

 

(Sources : INRS ; cardiologie-pratique.com ; legifrance.gouv.fr ; irsn.fr ; bureaupcr.fr)

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