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" La Gazette du Médecin du Travail "
27 mars 2013

Abstention du port des EPI par les travailleurs : un problème d'abord de mentalité avant la gêne, l'esthétique ou l'inadéquation

casque  Aujourd'hui j'ai réservé la totalité de ma vacation horaire au Tiers Temps au sein de cette entreprise de production industrielle installée en banlieue de Tunis. Dés mon arrivée, j'ai décidé de visiter le chantier de rénovation et d'extension (qui doit durer 6 mois en tout) et qui s'attelle à remodeler toute une aile de plus de 200 m². Ce travail est assuré par une entreprise extérieure spécialisée de nationalité européenne mais avec du personnel tunisien. Je précise spécialisée parce qu'ils ont l'habitude des chantiers "délicats" en zones protégées et ne gênent pas les autres activités de l'entreprise qui continue à fonctionner en parallèle.

Je me présente donc avec ma blouse blanche et casque en alliage léger sur la tête (je visite bien un chantier) accompagné du responsable HSE de l'entreprise toujours ravi de me recevoir pour l'épauler à superviser le chantier dont la responsabilité des salariés incombe aussi à l'entreprise utilisatrice. Et la première constatation : aucun ouvrier (du plus petit apprenti au chef des travaux) ne porte de casque ! pourtant je suis plus que sûr que les premiers jours j'avais été agréablement surpris par un port quasi général de cet EPI indispensable sur un chantier. J'appelle immédiatement le responsable et je pose la question fatidique devant toute l'assistance : bien sûr j'ai eu droit à toutes les réponses classiques du genre c'est lourd, gênant, pas assez résistant et donc inutile, inesthétique (parce que de couleur bleue !) il est cassé, je l'ai oublié et j'en passe mais la vraie réponse je l'ai trouvée auprès d'un ouvrier en bâtiment la cinquantaine, plus de 30 ans de carrière au même poste certes un vrai professionnel de ce genre de chantiers mais dont malheureusement la tête fonctionne de façon figée et stéréotypée sur le plan de la prévention, il m'explique : "vous savez avec l'expérience des années et des chantiers, nous maîtrisons maintenant entièrement la situation et nous savons parfaitement quand il faut mettre un casque, vous les jeunes (j'ai 50 balais) médecins, ingénieurs ou préventeurs vous appliquez des règles de sécurité de façon maladroite et systématique et vous visez le risque 0, si quelque chose doit arriver elle arrivera vous n'y pourriez rien mais dans la majorité des cas nous assurons et -lebess- c'est à dire tout ira bien, la preuve aucun accident du travail depuis le démarrage du chantier" ; après réflexion je me rendais compte que cet ouvrier m'accusait de défier la fatalité, le destin, la nature, le bon dieu quoi en quelque sorte en voulant instituer un risque 0. Cela me rappelle mon père à qui je proposais une assurance tout risques pour sa voiture et qui me répondait "mais non, -lebess- grâce à dieu je n'aurais pas d'accidents et je prends donc une assurance au tiers".

A l'intérieur du même chantier je perçois un groupe d'ouvriers s'affairant sur le sol pour mettre en place un revêtement résistant de type quartz époxy de couleur bleue; ces cristaux mélangés à l'eau donnent un coulis qui sera répandue et étalé sur le sol puis passé à la machine de polissage. Aucun des ouvriers ne portait de masque (pourtant le responsable HSE m'assurait que des masques de type FFP3 avaient été mis à leur disposition depuis le début de cette étape concernant les revêtements. Le quartz était déjà sous forme de coulis à l'étape ou j'arrivais, je n'ai donc pas pu constater de visu comment s'était déroulée l'étape initiale de transvasage de la poudre de quartz avant dilution. Je pose quand même mon éternelle question fatidique et parmi les réponses : désagréable, m'empèche de respirer, déchiré, périmé, je n'en ai pas, je ne suis pas au courant, je relève la meilleure réponse que je ne pourrai jamais vérifier vue mon arrivée tardive " nous ne mettons pas de masques à cette étape ou le quartz est déjà sous forme de coulis et tant que nous travaillons en atmosphère humide il n'y a rien à craindre, seule la manoeuvre de transvasage ou la manipulation du quartz sous forme de poudre est dangereuse et la bien sûr l'ouvrier met le masque " ; mais il est ou ce fameux masque? c'est la bonne question et donc toute son histoire bien que logique dans son contenu n'était que prétexte à la vraie raison qui cette fois m'a été annoncée par le responsable HSE : l'ouvrier qui met un masque est la risée de tous ses camarades, d'abord il aurait l'air "ridicule" mais en plus ce n'est plus un dur qui brave les difficultés et puis c'est -lebess- comme d'habitude, pourquoi essayer de saisir le diable par la queue ou de contrecarrer le destin ?

La politique de l'entreprise (une multinationale) serait de ne pas recourir aux mesures répressives en matière de prévention des risques professionnels : la distribution des EPI est assurée, la formation à l'utilisation de ces EPI est également assurée, l'éducation sanitaire et en matière de prévention  est à la charge du Médecin du Travail et le salarié doit assumer ses responsabilités en cas d'accident, tout en restant libre de ne pas utiliser ses moyens de protection. Drôle de perception de la prévention, je ne suis pas d'accord et je m'en vais quand même le faire savoir à la Direction de l'entreprise même si la "politique" de la boite leur est dictée par des voix venant d'outre mer !

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  • Expert International Santé Sécurité au Travail Ergonomie et Médecin du Travail, je partage la Législation, mon expérience au quotidien et interviens en Conseil auprès des entreprises, cabinets d'expertise, organisations internationales, gouvernements et UE
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