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" La Gazette du Médecin du Travail "
20 janvier 2019

Accident du Travail à cause du non respect des procédures de sécurité par le salarié

the-court-of-cassation

Rappelons tout d'abord que même si un salarié est directement ou indirectement à l'origine d'un accident du travail dont il est lui même victime sur les lieux du travail ou d'une maladie professionnelle, cet événement devra être déclaré par l'employeur en vue de sa prise en charge par les caisses de sécurité sociale; cette dernière étant la seule habilitée à statuer sur son imputabilité.

Julien travaille dans la manutention au sein d'un dépôt de marchandises destinées à la vente en ligne. A l'encontre des consignes de sécurité imposées par l'entreprise, il lui arrive à lui comme à d'autres salariés de se faire hisser par gerbeur pour atteindre des cartons entreposés en hauteur et en profondeur pour ne pas utiliser des escabeaux à bon escient. Principal motif invoqué à leur supérieur : la célérité dans l'action. Le gerbeur est la machine de manutention la plus couramment utilisée au sein des entrepôts de stockage, il permet le gerbage de la marchandise autrement dit l’élévation et l’empilage de charges, ou encore le stockage en hauteur.

Vu l'exiguité de la fourche du gerbeur exigeant un bon équilibre sur les 2 jambes, Julien va glisser et tomber entre les 2 fourches du gerbeur d'une hauteur de 2 métres se blessant au visage avec la fourche et se fracturant le poignet à l'origine d'un accident du travail et d'un arrêt de travail de 45 jours outre la rééducation et les soins.

Normalement, il est interdit de se faire hisser par gerbeur d'autant plus qu'il est très difficile de se maintenir en équilibre sur celui ci même si l'on prend attache sur les mains en hauteur. L'employeur se doit de déclarer les circonstances de l'accident et de fournir les éléments à l'origine de cet accident. la caisse est également habilitée à pouvoir diligenter toute enquête nécessaire pour éclaircir les circonstances de certains accidents.

Pour cette situation, il est clair que la cause de l'accident est une erreur humaine préméditée et qui aurait pu être évitée si les salariés avaient respecté les consignes de sécurité. D'un point de vue de l'employeur, celui ci est soumis à une obligation de sécurité très exigeante puisqu'elle porte sur une obligation de résultat. Il doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses salariés; il est donc logique que l'employeur puisse en contre partie faire usage de son pouvoir disciplinaire en cas de manquements de ses salariés aux consignes et procédures de sécurité exigées en entreprise. En effet, un salarié qui ne respecte pas les règles de sécurité ou qui refuse de porter ses protections individuelles (EPI) peut être sanctionné; les sanctions pouvant aller du simple avertissement au licenciement disciplinaire suivant la gravité de la faute.

Pour ce cas précis, Julien a été victime d'un accident du travail; son employeur est bien sûr présumé responsable à cause de cette obligation de sécurité de résultat mais ce salarié a quand même commis une faute qui pourrait se révéler inexcusable (bien que rarement reconnue par les juges). La faute inexcusable du salarié consiste en un acte volontaire d'une exceptionnelle gravité, par laquelle il s'expose sans raison valable à un danger dont il aurait du avoir conscience. 4 critères doivent être réunis (ce qui fait la grosse difficulté de reconnaître cette faute inexcusable du salarié) :

* une action volontaire : le salarié doit avoir agi délibérément et de sa propore initiative (sans pour autant que cela signifie qu'il ait eu l'intention de provoquer l'accident)

* une faute d'une exceptionnelle gravité telle qu'un manquement aux régles élémentaires de sécurité

* une conscience du danger

* une absence de raison valable

Cour de Cassation : Un arrêt du 19 décembre 2002 (pourvoi n° 01-20.447) a décidé que "la majoration de rente prévue lorsque l’accident du travail est dû à la faute inexcusable de l’employeur, au sens de l’article L 452-1 du Code de la sécurité sociale, ne peut être réduite en fonction de la gravité de cette faute, mais seulement lorsque le salarié victime a lui-même commis une faute inexcusable, au sens de l’article L 453-1 du même code". Ce dernier texte permet à la caisse primaire d’assurance maladie de réduire la rente de base, hors toute faute de l’employeur, en cas de faute inexcusable du salarié. L’arrêt du 19 décembre 2002, tout en soulignant que ces fautes devaient être entendues au sens de deux textes différents, n’a pas donné de définition de la faute inexcusable du salarié, mais on ne peut manquer d’évoquer celle qu’a donné l’assemblée plénière de la Cour de cassation de la faute inexcusable de la victime d’un accident de la circulation (Ass. plén. 10 novembre 1995, Bull, n° 6) : "seule est inexcusable la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience". On retrouve ici la notion d’exceptionnelle gravité, aujourd’hui abandonnée pour caractériser la faute inexcusable de l’employeur.

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Commentaires
H
(suite)<br /> <br /> <br /> <br /> Autre réflexion : <br /> <br /> <br /> <br /> En fait il n'y a pas besoin de passer par le cas marginal de la faute inexcusable de l'employeur voire du salarié (en responsabilité civile malgré le terme de "faute") pour débattre de l'obligation de sécurité de l'employeur même en cas de comportement dangereux du salarié, car il est acquis depuis longtemps que l'employeur est civilement responsable "par principe" des AT de ses salariés (sauf à tenter de démontrer qu'il n'y est véritablement pour rien par des "réserves" lors de la déclaration d'AT).<br /> <br /> <br /> <br /> En réalité ce que souligne la notion de faute inexcusable en droit de la Sécurité Sociale française c'est qu'en échange de la responsabilité de principe de l'employeur, la "réparation" civile d'un AT est forfaitaire et ne tend pas à couvrir autant que possible tous les "dommages" subis par le salarié. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans les cas particulièrement sévères du coté de l'employeur la mise en oeuvre de la notion de faute inexcusable a pour but de passer d'un dédommagement civil forfaitaire incomplet (en gros : gratuité des soins et maintien du salaire si arrêt de travail) à l'appréciation d'un dédommagement civil dit "intégral" (complément de dédommagement pour "prix de la douleur" ou "préjudice d'agrément" par exemple). <br /> <br /> <br /> <br /> La faute inexcusable du salarié est bien plus rarement mise en oeuvre tout simplement car son accident peut d'abord et tout simplement être refusé en AT (mon cas d'espèce) et ensuite car il évidement moins solvable que l'employeur si j'ose dire.<br /> <br /> <br /> <br /> A+
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H
(suite - pas de problème pour le bug réparé)<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai un autre exemple réel de ce même "cas" tout aussi démonstratif des mêmes éléments : dans un de nos entrepôts un opérateur (lui-même cariste) a voulu récupérer des choses stockées en hauteur en les demandant à son hiérarchique. Celui-ci lui a naturellement dit de prendre un chariot de manutention pour en descendre la palette. Au lieu de ça l'opérateur a demandé à un collègue d'enfourcher une palette vide pour lui en faire un "ascenseur" et lui permettre d'atteindre les choses en question. Ce qui devait arriver arriva... il est tomber en se cassant une jambe.<br /> <br /> <br /> <br /> Nous avons "forcément" déclaré l'accident avec le CERFA de déclaration d'AT, mais en émettant des réserves sur son caractère professionnel. Motifs essentiels :<br /> <br /> - L'opérateur accidenté est cariste et connaît donc les règles de sécurité liées aux chariots de manutention (dont l'interdiction d'élever du personnel avec un chariot de manutention !), autant que son collègue d'ailleurs.<br /> <br /> - En l'occurence le hiérarchique a dit (rappelé !) au bon moment comment réaliser ce "travail" en sécurité. En effet à travers ses hiérarchiques notre employeur tient et obtient la mise en oeuvre de son obligation générale de sécurité ! (il ne laisse pas admettre dans nos entrepôts des pratiques dangereuses voire interdites sous prétexte de "célérité dans l'action").<br /> <br /> <br /> <br /> Et voici la réponse (normale) de la CARSAT : l'accident n'a tout simplement pas été reconnu comme AT. <br /> <br /> <br /> <br /> Moralité générale :<br /> <br /> - L'employeur doit donner des instructions de sécurité ET OBTENIR QU'ELLES SOIENT RESPECTEES ! (c'est sa responsabilité de direction, civile et pénale, et son pouvoir de sanction disciplinaire)<br /> <br /> - Les hiérarchiques et opérateurs doivent obéir à ces instructions. (c'est leur statut de subordination et de protection civile forfaitaire)<br /> <br /> - Tout accident (même "bénin") doit être déclaré par l'employeur.<br /> <br /> <br /> <br /> Complément à propos des escabeaux "autorisés" dans l'entrepôt de votre cas : je serais bien curieux de confronter cette "autorisation" à l'art. R4323-63 de notre CT.<br /> <br /> <br /> <br /> A+
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H
Bonjour.<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai dû rater quelque chose quand j'ai voulu mon vrai commentaire initial. La fonction commentaire fonctionne manifestement.<br /> <br /> <br /> <br /> Je reviens donc au commentaire que je souhaitais faire sur cet article : à sa lecture je n'arrive pas dégager l'éclairage(s) que vous voulez donner sur les AT survenant par non-respect volontaire des mesures de prévention par des salariés. <br /> <br /> <br /> <br /> SVP si vous deviez résumer vos recommandations, alertes, critiques ou propositions concernant ce genre de cas, quel serait votre résumé ?<br /> <br /> <br /> <br /> En tant que Préventeur S&ST il me semble manquer deux remarques sur les circonstances de cet AT :<br /> <br /> 1- Le premier "contrevenant" aux règles de sécurité c'est le conducteur du gerbeur. Il est plus "fautif" que son passager en regard de ses attributions et compétences. D'autant qu'il semble que ce soit assez habituel et accepté de fait dans cette entreprise (motif : "la célérité dans l'action" !).<br /> <br /> 2- Il n'est pas pertinent d'un point de vue prévention des risques professionnel dans ce genre d'activité (manutentions courantes de marchandises dans un dépôt) de faire du picking en hauteur dans les rayonnages en utilisant des escabeaux (c'est même interdit par la réglementation). Puisque les marchandises semblent palettisées le picking doit se faire en les descendant avec un gerbeur, ou en y accédant avec un gerbeur spécialisé dont la cabine s'élève.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est dans ce sens (1+2) que l'employeur est le véritable "fautif" en regard de son obligation générale de sécurité (art L4121-1 du CT).<br /> <br /> <br /> <br /> Cordialement.
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